Dans son dernier rapport, la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur l’Ukraine réaffirme le caractère systématique des violations du droit international par la Russie : meurtres délibérés, tortures, violences sexuelles et déportation forcée d’enfants ukrainiens en Russie.
Massacres et tortures
Dans les territoires occupés, les Russes font régner la terreur en commettant des meurtres et des tortures de masse. Le monde entier en a été témoin après la libération des régions de Kyiv, Tchernihiv, Kharkiv, Mykolaïv et Kherson en 2022.
La rue Yablounska à Boutcha, jonchée de corps de civils abattus par les Russes, découverte par les forces ukrainiennes pendant la libération de la ville, est devenue le symbole du massacre commis dans la région de Kyiv.
La découverte des charniers, l’examen des corps et les témoignages des survivants confirment sans appel le caractère délibéré et systématique des crimes. Les habitants de Boutcha parlent de civils abattus « pour le plaisir » lorsqu’ils sortaient de chez eux et de soldats russes s’introduisant chez les gens pour exécuter, voire torturer à mort ceux qui leur semblaient suspects.
Ces méthodes et modes opératoires sont utilisés par les Russes dans tous les territoires occupés. Dans la seule région de Kyiv, 1 374 civils ont été tués, 717 d'entre eux l’ont été par balles et 191 sont morts dans des circonstances indéterminées. Dans les zones désormais libérées des régions de Kharkiv, de Kherson et de Donetsk, 1 077 corps ont été découverts. Beaucoup d’entre eux présentaient des signes de mort violente et de torture.
L’utilisation de la torture est systématique dans les régions occupées. Après la libération, onze chambres de torture ont été découvertes dans la région de Kherson, vingt-cinq dans la région de Kharkiv, dix-huit dans la région de Zaporijjia, dix dans la région de Donetsk et trois dans la région de Kyiv. Il est très difficile de déterminer leur nombre dans les territoires qui sont encore sous occupation.
Les récits des survivants permettent d’affirmer que les modes opératoires sont similaires d’une région occupée à l’autre : enlèvements en pleine rue, torture à l’électricité, tortures psychologiques. Les conditions de détention sont contraires à toutes les normes : manque d’espace, de nourriture, manque d’accès aux soins médicaux ou à des conditions d’hygiène adéquates.
Le cas du village de Yahidne, dans la région de Tchernihiv, est un exemple particulièrement glaçant de la terreur russe. Pendant 28 jours, 299 adultes et 67 enfants ont été entassés dans le sous-sol humide de l’école du village, d’une superficie de 198 mètres carrés. Les villageois ont servi ainsi de bouclier humain aux Russes qui avaient établi leur quartier général dans l’école. Les villageois n’avaient pas assez d’espace pour s’allonger, sans même parler du manque de nourriture, d’eau et d’hygiène. Dix personnes, âgées pour la plupart, y ont suffoqué à mort.
Ceux qui tentent de fuir les villes occupées sont régulièrement pris pour cible par les Russes, comme sur l’autoroute de Jytomyr, dans la région de Kyiv, surnommée « la route de la mort ». 26 civils en fuite y ont perdu la vie pendant l'occupation de la région en 2022. 26 personnes ont également été tuées aux abords de la ville de Koupiansk, dans la région de Kharkiv.
Villes rasées, habitants tués ou déplacés
On dénombre près de 250 000 maisons et immeubles détruits ou endommagés en janvier 2024, les régions de Donetsk, de Louhansk, de Kharkiv, de Kyiv, de Tchernihiv et de Kherson étant les plus durement touchées. Dans la région de Kyiv, 4 500 bâtiments ont été détruits, principalement à Boutcha, Hostomel, Borodianka et Irpin. Les frappes sur des immeubles résidentiels à Dnipro le 14 janvier 2023 ont fait 46 victimes. Celle sur la ville de Tchassiv Yar (région de Donetsk) le 9 juillet 2022 en a fait 48. Le souvenir de ceux qui ont péri dans leur lit à l’aube, ou lors d’une soirée dans un café, ou encore dans l’étroitesse suffocante d’un sous-sol, est obsédant.
La tragédie de Marioupol est l’une des plus douloureuses, avec un bilan officiel d’au moins 25 000 morts (chiffres des autorités ukrainiennes), la destruction de la moitié des bâtiments résidentiels et de 90 % des infrastructures de la ville. Des quartiers autrefois dynamiques et vivants sont aujourd’hui transformés en champs de ruines. Une enquête menée par Associated Press estime à 600 le nombre de victimes à la suite de la frappe aérienne criminelle des Russes sur le théâtre de Marioupol, qui servait d’abri pour plus d’un millier de civils.
Les Russes utilisent les frappes et les bombardements aveugles soit pour s’emparer d’une zone, soit pour se venger de la résistance des Ukrainiens, comme à Kherson, sujette à des frappes quotidiennes depuis la libération de la ville en novembre 2022.
Lieux publics ciblés
Les attaques sur des lieux publics bondés sont une autre facette de la terreur russe. La ville de Kramatorsk, dans l’est du pays, est un carrefour important à la croisée des routes de l'évacuation. Le 8 avril 2022, alors que plusieurs centaines de réfugiés attendaient le train d’évacuation, un missile russe a frappé la gare, faisant 61 morts et 121 blessés. Cette ville de l’Est est régulièrement frappée par les Russes. Le 27 juin 2023, en plein centre-ville, un missile russe s’abat sur la pizzeria Ria Pizza, une institution à Kramatorsk, coûtant la vie à 13 personnes et blessant 59 autres.
Les centres commerciaux sont également la cible des tirs russes. Le 27 juin 2022, le centre commercial Amstor de la ville de Krementchouk, dans la région de Poltava, a été touché par un missile, causant la mort de 22 personnes et faisant plus d’une centaine de blessés.
La frappe de missile russe du 5 octobre 2023 sur le café du village de Hroza (région de Kharkiv), où les habitants étaient réunis pour rendre hommage à l’un des leurs tombé au combat, a tué 59 des quelque 300 habitants du village, endeuillant toutes les familles du village d'un coup.
En deux ans d’agression russe à grande échelle, le coût humain de cette guerre est exorbitant. La documentation des crimes de guerre est un exercice nécessaire, car elle contribue à révéler le vrai visage du régime russe. Elle permet de fournir les preuves des atrocités subies par les Ukrainiens pour appeler à la solidarité avec l’Ukraine, exiger que justice soit rendue aux victimes et œuvrer pour un avenir où de telles horreurs ne se reproduiront plus.