L'ONG Marsh Zhinok (Marche des femmes) a toujours oeuvré pour les droits des femmes et a toujours soutenu les initiatives visant à les protéger. Quelles actions a-t-elle mis en place lorsque la guerre totale a éclaté en Ukraine et que les femmes ont été privées de leurs droits humains les plus fondamentaux ? Anastasiia Herasymenko, cofondatrice de l'ONG, estime que 2022 a été une année où chaque Ukrainien-n-e a fait quelque chose qu'il-elle aurait pensé n'être jamais capable de réaliser auparavant. A commencer par son ONG. Témoignage.
Le 24 février 2022 devait être pour Marsh Zhinok, le premier Femcircle visant à rassembler les femmes ukrainiennes en prévision du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Un événement envisagé des semaines à l'avance afin de discuter des points les plus importants de l'agenda du plaidoyer féministe ukrainien. Avec, en tête, le fait d'adresser une pétition au ministère de la Défense pour faire pression sur la ratification de la Convention d'Istanbul par Kyiv. Tout a été chamboulé, il n'en a rien été. Le rassemblement a été annulé, ainsi que la marche annuelle pour la Journée des droits des femmes. "Mais la bonne nouvelle est que l’Ukraine a tout de même ratifié la Convention d’Istanbul malgré la guerre à grande échelle", se réjouit Anastasiia Herasymenko. A la place, Marsh Zhinok est venu en aide à environ 85 000 femmes ukrainiennes depuis l'invasion à grande échelle. Cela comprend un soutien psychologique et juridique, un hébergement, la location d'appartements via Airbnb pour les femmes s'étant réfugiées l'étranger, l'envoi de colis de nourriture, de produits d'hygiène, mais aussi la garde d'enfants.
"Notre organisation n'était pas bénévole au départ. Suite aux premiers jours de la guerre, nous avons compris que de nombreuses femmes avaient besoin d'une aide vitale immédiate, qui dépassait le cadre de nos fonctions jusque-là. Nous avons appris à faire dans l'urgence de la situation.
"Nous avons créé un formulaire en ligne, lancé une ligne de soutien psychologique à destination des femmes. Dans le même temps, nos collègues des villes occidentales de Lviv et de Tchernivtsi ont ouvert un refuge où les femmes en fuite et leurs enfants pouvaient séjourner gratuitement. En tant qu'ONG, nous disposions des réseaux sociaux et de l'expérience nécessaires pour rechercher des financements. Nous avons publié des questionnaires en ligne afin de comprendre ce dont les gens avaient besoin. Au début, je traitais ces formulaires moi-même, mais j'ai vite réalisé que je n'y parviendrais jamais seule. La solidarité a pris le pas. Nous avons également commencé à acheter et à collecter les biens de première nécessité qui apparaissaient dans les différents groupes de discussions en ligne sur les réseaux sociaux.
Mais nous avons aussi fait face à des problématiques auxquelles nous n'étions pas habituées. Par exemple, le fait de trouver des cages pour les animaux de compagnies, ou encore des problèmes d'ordres techniques : si une femme n'avait pas accès à Internet (ce qui était courant au début de la guerre - ndlr), ou si elle ne savait pas comment utiliser Internet, elle n'avait aucun moyen de nous contacter. Heureusement, il y avait le bouche à oreille et l'entraide entre les femmes".

« Aujourd'hui, à mesure que les moments les plus critiques sont passés, les besoins de premières nécessités pour les femmes ont diminué. Nous envoyons désormais de petit caddie ou charriot (« kravchuchki » en ukrainien) vers les villes du sud où les femmes âgées en ont besoin. Cela leur facilite le transport de nourriture et d'eau jusque chez elles. C'est particulièrement important dans les zones où l'eau courante est coupée ou qui subit des perturbations. Le soutien psychologique, un domaine qui était également nouveau pour nous, est devenu moins urgent même s'il reste nécessaire. Au départ, nous avions une ligne d'assistance 24 heures sur 24, mais nous la gérons désormais de 8h à 23h, car le besoin de soutien pendant la nuit a diminué. »
Marsh Zhinok s'efforce de faire la lumière sur les problèmes psychologiques des femmes liés à la guerre à travers ses plateformes et ses médias sociaux, et de les protégér.
« Des journalistes étrangers nous ont appelés à plusieurs reprises pour nous demander : "Avez-vous des victimes ? Pouvons-nous leur parler ?" C'était incroyablement cynique. Il me semblait qu'ils étaient uniquement intéressés par ces informations, ces photos et des histoires sensationnelles. Il n'y avait aucune empathie pour ce que nous traversons tous depuis plus de deux ans.
Le champ d'action de l'ONG a continué de s'élargir depuis le 24 février 2022. L'initiative la plus récente mise sur pied par les bénévoles de Marsh Zhinok concerne les centres communautaires de femmes dans quatre villes d'Ukraine. "Au départ, nous ne savions pas si ce type d'espaces rencontrerait du succès. Nous avons été agréablement surprises de voir à quel point ils sont importants. Nous organisons des projections de films, des échanges et des discussions, nous animons des ateliers créatifs, etc. En temps de guerre, nous avons besoin d’unité, de communication et de partage. »