Les trois premiers volets de cette série d’articles, Pierre Iᵉʳ, dit « le Grand », Catherine II, le « despote éclairé » et Nicolas Iᵉʳ, le « gendarme de l’Europe », sont à retrouver ici, ici et ici.
Alexandre II (1818-1881) et Alexandre III (1845-1894)
Alexandre II succède en 1855 à Nicolas Iᵉʳ, mort subitement en pleine guerre de Crimée. Le nouveau souverain va poursuivre l’œuvre impérialiste de son père en resserrant l’étau russe autour de la langue et de la culture ukrainiennes.
En 1863, Piotr Valouïev, ministre de l’Intérieur de l’Empire russe [celui qui, à la mort de Nicolas Iᵉʳ, a dit de la Russie : « En haut l’éclat, en bas la pourriture. »], envoie aux comités territoriaux pour la censure un décret secret, la Circulaire de Valouïev, interdisant la publication d’ouvrages religieux et didactiques en langue ukrainienne. La circulaire, qui deviendra tristement emblématique de la persécution et de la russification forcée du peuple ukrainien, stipule qu’« aucune langue petite-russe n’a existé, n’existe et ne peut exister ».
En 1876, Alexandre II fait publier un décret impérial, l’oukase d’Ems, interdisant l’importation dans l’Empire de publications en « dialecte petit-russien », l’impression d’œuvres originales et de traductions en ukrainien, la mise en scène de pièces de théâtre en ukrainien, les œuvres musicales en ukrainien et l’enseignement en langue ukrainienne dans les écoles primaires. À la suite de cet oukase, des enseignants russes sont transférés en Ukraine et des enseignants ukrainiens sont envoyés dans les régions de Saint-Pétersbourg, de Kazan et d’Orenbourg. En 1881, la censure s’étend aux milieux ecclésiastiques, avec l’interdiction de prononcer des sermons en ukrainien.
Alexandre II est assassiné en mars 1881. Son deuxième fils lui succède sur le trône. Sous le règne d’Alexandre III, le pouvoir tsariste va se durcir à l’égard des populations non russes et s’employer avec davantage de ferveur à russifier l’Ukraine. En 1888, Alexandre III publie un décret interdisant l’utilisation de la langue ukrainienne dans les institutions officielles et le baptême d’enfants portant des prénoms ukrainiens. D’autres interdictions suivent, comme celle, en 1895, peu de temps après la mort du tsar, des livres pour enfants en ukrainien.
Les plus « grands » tsars russes se sont rendus coupables d’à peu près tous les crimes à l’égard du peuple ukrainien. En liquidant l’autonomie cosaque, en imposant le servage, en écrasant toute opposition et en interdisant l’utilisation de l’ukrainien, l’Empire a tenté de détruire, de manière systématique, l’identité nationale et les aspirations démocratiques ukrainiennes.
Après une courte période d’indépendance sous la République populaire ukrainienne, au lendemain de la Révolution de 1917, les Ukrainiens sont libérés — formellement, du moins — du joug de Moscou en 1991, après la chute de l’Union soviétique. Ils proclament alors leur indépendance, tant désirée, celle-là même qu’ils défendent aujourd’hui, au prix de leurs vies, contre une nouvelle agression russe.
Cette série d’articles est le fruit d’un partenariat avec l’Institut ukrainien, agence d’État ukrainienne chargée de promouvoir la langue et la culture ukrainiennes dans le monde par la diplomatie culturelle.